Les différentes éthiques environnementales

Blog Recherche


ESQESE

Cathy GROSJEAN, Enseignante-chercheuse à l'ESQESE et dans l'Unité de Recherche "Confluences : Sciences et Humanités"

La notion d'éthique environnementale est apparue au début des années 1970.

Plusieurs auteurs ont formulé à cette période l'idée qu'il y a de bonnes et de mauvaises façons de se conduire dans la nature, que nos rapports avec celle-ci ont d’autres limites que celles de notre puissance technique, que nous avons à son égard des devoirs, qu’elle a peut-être des droits… Et donc que la nature a une valeur morale intrinsèque.

"A-t-on besoin d’une nouvelle éthique, d’une éthique environnementale ?" : Richard Routley pose cette question en 1973 dans un texte fondateur qui marque l’entrée de la nature dans le domaine de la réflexion éthique.

Ce texte a résonné avec les travaux d'autres penseurs à la même époque, par exemple :

  • Arne Naess et la notion de deep ecology (1973) : chaque vie, humaine et non-humaine, a une valeur intrinsèque, indépendante de son utilité pour l'homme
  • Peter Singer avec la responsabilité morale des hommes envers les animaux (1975)
  • Richard D Ryder et l'antispécisme (1970) : peu importe l'espèce, tous les êtres vivants ont droit à la même considération

Ces penseurs ont ainsi cherché à sortir de l'anthropocentrisme, un courant de pensée qui n'accorde de valeur et de considération morale qu'à l'espèce humaine. Le reste (la nature) est donc vu comme un ensemble de ressources au service des humains.

Le biocentrisme

Ce courant de pensée accorde une considération morale à tout être vivant, qui a ainsi sa propre valeur intrinsèque, valeur qui nous impose le respect.

Paul Taylor a ainsi résumé le biocentrisme : "De quel droit ne reconnaissons-nous de valeur qu'à nous-mêmes, nous les humains ?" (1986).

Ce courant de pensée est reconnu au niveau international, notamment par la Convention sur la biodiversité (Rio de Janeiro, 1992), qui affirme dans son Article 1 la valeur intrinsèque de la biodiversité, donc de chaque être vivant sur Terre.

Ainsi le biocentrisme propose d'inverser la charge de la preuve : ceux qui proposent des activités potentiellement dangereuses pour la biodiversité doivent prouver que les bénéfices attendus sont si importants qu'ils justifient qu'on sacrifie quelque chose qui a une valeur intrinsèque.

L'écocentrisme

L'écocentrisme est né de l'écologie scientifique, qui a démontré que le vivant fonctionne au niveau des populations et des écosystèmes. Par exemple l'écologie a montré que sauvegarder quelques individus d'une espèce ne sert à rien, il faut sauvegarder des populations pour conserver la diversité génétique de cette espèce. L'écologie a également montré l'importance des chaines trophiques et des interdépendances à grande échelle dans les écosystèmes et les biomes.

L'écocentrisme accorde ainsi une considération morale aux espèces et aux écosystèmes : il s'agit d'une pensée holistique et systémique, alors que le biocentrisme est plus individualiste.

A ce titre l'écocentrisme pourrait aboutir à sacrifier quelques individus au profit de la communauté, ce qui a été considéré par certains comme de l'éco-fascisme.

Bibiographie

  • Larrere, 2010. Les éthiques environnementales. Natures Sciences Sociétés
  • Naess, 2005. The Shallow and the Deep, Long-Range Ecology Movement: A Summary. In: Drengson (eds) The Selected Works of Arne Naess. Springer
  • Routley, 1973. Is there a need for a new, an environmental ethic? Proceedings of the XVth World Congress of Philosophy
  • Ryder, 1970. Speciesism
  • Singer, 1975. Animal liberation. Pimlico
  • Taylor, 1986. Respect for nature: a theory of environmental ethics. Princeton University Press